Le triste feuilleton des bouquetins du Bargy continue. En juillet dernier, l’ASPAS vous invitait à participer à une consultation publique concernant un projet d’arrêté déposé par le préfet de Haute-Savoie pour autoriser l’abattage indiscriminé de 75 bouquetins dans le désormais tristement connu massif du Bargy.
Et bien, en dépit de cette consultation publique qui s’est montrée défavorable au projet, en dépit des victoires juridiques et en dépit de l’avis négatif des scientifiques du Conseil National de la Protection de la Nature, le préfet a bel et bien autorisé l’abattage indiscriminé de 75 individus.
C’est ainsi que les 17 et 18 octobre, 61 bouquetins ont été abattus dans le cadre d’une opération encadrée par la gendarmerie. Estimant que l’objectif initial était d’ores et déjà atteint, le préfet a finalement retiré son arrêté, tout en affirmant que cela « ne remet pas en cause la viabilité de l’espèce dans le massif ».
Pour rappel, les bouquetins du Bargy sont suspectés de véhiculer la brucellose, une zoonose susceptible d’impacter les élevages bovins, et donc dans le cas du Bargy, la production de Reblochon.
Or, les scientifiques estiment que seulement 4% des individus présents dans le massif du Bargy en seraient infectés. Bien que la brucellose soit une préoccupation légitime, rien ne justifie d’abattre une si grande proportion d’animaux sains. Tester les individus et euthanasier uniquement les individus contaminés, voilà la marche qui devrait être suivie, non seulement pour le respect de la vie animale au global, et d’autant plus quand on sait que le bouquetin est une espèce protégée.
Difficile donc de se réjouir du retrait de cet arrêté. Outre le désastre écologique que représente l’abattage d’individus de cette espèce soi-disant protégée, la forme pose question. Le préfet a fait sa loi, cédant à la pression des éleveurs en prenant un arrêté contre l’avis général, et en réalisant l’opération sans laisser aucune latitude pour contester une décision aux conséquences irréversibles. Ce qui n’a pas empêché un collectif d’associations, dont l’ASPAS, de saisir la justice pour que son illégalité soit reconnue.
Qu’adviendra-t-il du reste de la population des bouquetins du Bargy si un nouveau cas de brucellose devait se présenter ? Difficile à dire même si l’expérience récente ne nous pousse pas à l’optimisme. Espérons qu’à l’avenir le statut d’espèce protégée ne sera pas galvaudé, et que la lutte contre la brucellose sera orchestrée de manière à la fois éthique et méthodique, sans céder à la précipitation et aux pressions des lobbies. Dans tous les cas, comptez sur l’ASPAS pour rester vigilante et faire tout ce qui est en son pouvoir pour protéger les bouquetins !
Crédits photo : Thomas Cugnod