Tribune parue sur Le Monde le 6 mai 2023. Pour la consulter, cliquez ici
Alors que le ministère de la Transition écologique s’apprête à renouveler pour trois ans l’autorisation de piéger des milliers d’animaux sauvages, nos associations demandent que ce piégeage ne soit plus autorisé pour neuf espèces sur la base des connaissances scientifiques.
Qu’ont en commun les renards roux, les pies bavardes, les geais des chênes, les martres des pins, les fouines, les belettes, les étourneaux sansonnets, les corneilles noires et les corbeaux freux ? Tous ces animaux, naturellement présents en France depuis des milliers d’années, y sont encore piégés par toutes sortes de moyens cruels avec la bénédiction de l’État, au titre d’un statut juridique aussi archaïque qu’infondé sur le plan biologique.
À l’occasion de la préparation du prochain arrêté ministériel 2023-2026 révisant la liste de ces espèces dites « susceptibles d’occasionner des dégâts » (dénomination qui a remplacé celle de « nuisibles »), nous demandons que ces mammifères et oiseaux indigènes ne soient plus classés dans cette catégorie.
En plus du caractère très discutable de ce genre de classification, il existe un consensus scientifique1, 2 établissant que ces espèces ne remplissent pas suffisamment les critères censés définir cette catégorie selon le Code de l’environnement. Les espèces classées « susceptibles d’occasionner des dégâts » doivent en effet l’être « dans l’intérêt de la santé et de la sécurité publique ; pour assurer la protection de la faune et de la flore ; pour prévenir des dommages importants aux activités agricoles, forestières et aquacoles ou à d’autres formes de propriétés ».
Hormis certaines atteintes aux cultures, une prédation présumée sur des faisans et perdrix d’élevage lâchés pour la chasse, quelques intrusions dans des poulaillers mal fermés et autres dommages ponctuels et évitables sans recourir à l’élimination systématique, rien n’argumente en faveur du classement nuisible de ces espèces. Pire, cette élimination porte préjudice aux écosystèmes, voire à l’agriculture. Les renards, belettes et fouines sont par exemple des alliées des cultivateurs car ils consomment un grand nombre de petits rongeurs qui se nourrissent eux-mêmes dans les champs ; en faisant des réserves de graines dans le sol, les geais des chênes aident à la régénération des forêts.
Dans le contexte de l’urgence écologique et de l’effondrement de la biodiversité, comment se fait-il qu’on encourage encore le piégeage de ces oiseaux et mammifères au mépris des données scientifiques, sans limite numérique, toute l’année, en plus des tirs dont ils font l’objet en période de chasse et de battues administratives ? Le nombre d’animaux tués pour chaque espèce n’est même pas connu et aucune étude n’a démontré l’efficacité de telles mesures.
L’établissement de la liste des espèces « susceptibles d’occasionner des dégâts » relève du ministère chargé de l’écologie qui devrait, pour ce faire, se baser sur des éléments objectifs. Mais la mainmise politicienne influencée par les lobbies de la chasse et de l’agriculture conduit à des prises de décisions infondées, allant même à l’encontre des connaissances biologiques et de l’intérêt général du fonctionnement des écosystèmes. Il est urgent qu’intervienne enfin ce qui manque depuis plusieurs décennies pour mettre fin au piégeage de ces espèces : une décision politique prenant en compte les données scientifiques.