Saisi par l’ASPAS, AVES, la LPO Normandie et le GMN, le Tribunal administratif de Rouen suspend, dans son ordonnance n°2003207 du 4 septembre 2020, l’arrêté du préfet de la Seine-Maritime autorisant la régulation du renard par les lieutenants de louveterie du 15 juillet au 31 décembre 2020 sur l’ensemble du département, par tir de jour comme de nuit, en considérant que :
SUR L’URGENCE :
6. Contrairement à ce que soutiennent les associations requérantes, il appartient au juge des référés, dans le cadre de l’appréciation globale de l’urgence, de prendre en compte non seulement l’atteinte aux intérêts que défendent ces associations, mais également les motifs d’intérêt public avancés par l’autorité préfectorale au soutien des mesures contestées. Pour justifier de l’urgence qui s’attache à la suspension de l’exécution de l’arrêté attaqué, les associations requérantes soutiennent que cet arrêté prévoit des mesures supplémentaires d’abattage de 1 430 renards par des tirs nocturnes sur une période prolongée, alors que le renard fait déjà l’objet, en tant qu’espèce susceptible d’occasionner des dommages, d’une régulation avec la possibilité d’installer des pièges et de le déterrer toute l’année, de pratiquer des tirs d’été et de le chasser pendant les périodes réglementaires. Le préfet fait valoir que la population de renards s’est accrue en 2019 et pendant le premier semestre de l’année 2020. Toutefois, il ressort d’une étude de la société NaturAgora Développement, produite par le préfet, que la densité moyenne de renard calculée d’après la méthode de l’Indice Kilométrique d’Abondance (IKA) était stable dans le département de la Seine Maritime entre 2016 et 2018. Cet indice a certes augmenté en 2019 par rapport à l’année précédente, de 0,59 à 0,67 par kilomètre carré, mais il reste nettement inférieur à la densité moyenne sur le territoire national, qui s’établit à un renard par kilomètre carré selon la brochure de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage versée au dossier. En outre, d’après une étude publiée en 2020 dans la revue Biological Conservation, quatre ans d’abattages intenses en France n’ont pas permis de réduire les populations de renard, ce que confirme la brochure de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage qui indique que des prélèvements importants ont un impact généralement compensé très rapidement. Si le préfet se prévaut des conséquences de l’interruption de la régulation pendant la période de confinement, il ne donne aucune précision chiffrée sur l’augmentation de la population des renards qui pourrait en résulter. Par ailleurs, le préfet invoque dans ses écritures en défense un risque sanitaire accru. Or, l’étude de 2020 ci-dessus mentionnée constate au contraire une propagation plus importante de certaines maladies telles que l’échinococcose alvéolaire pendant les périodes d’abattages intenses. Un relevé épidémiologique du 29 novembre 2019 de l’Organisation mondiale de la santé relève d’ailleurs le caractère inefficace de l’abattage des renards dans la prévention et la lutte contre cette maladie. Enfin, le préfet n’apporte aucun élément probant au soutien de son allégation selon laquelle l’évolution récente de la population de renards dans le département mettrait en danger le petit gibier. Dans ces conditions, eu égard à l’importance des mesures d’abattage supplémentaires prévues par l’arrêté attaqué et à la circonstance que cet arrêté a reçu un commencement d’exécution, la condition d’urgence doit être regardée comme remplie.SUR LE DOUTE SERIEUX :
Le moyen tiré de ce que le préfet de la Seine-Maritime ne justifie pas de la nécessité d’effectuer des opérations de destruction des renards en application de l’article L. 427-6 du code de l’environnement est, en l’état de l’instruction, propre à créer un doute sérieux sur la légalité de l’arrêté du 20 juillet 2020.
Télécharger l’ordonnance : SUSPENSION – RENARD – Seine-Maritime 2020