Malgré l’annulation de l’arrêté du 22 juin 2020, suite à un recours juridique de l’ASPAS, la préfecture de Gironde revient à la charge avec un nouveau texte qui prévoit d’autoriser les chasseurs adeptes de la vénerie sous terre à s’acharner sur les blaireaux dans ce département, et ce dès le 15 mai 2021 !
L’ASPAS vous invite donc à dire NON à ce nouveau projet d’arrêté, en participant à la consultation publique avant le 20 avril.
Votre participation doit être envoyée à l’adresse ddtm-sen-raa@gironde.gouv.fr
Le contexte
Tombée le 18 décembre 2020, la décision de justice en notre faveur était encourageante, en ce que la préfecture de Gironde a été sanctionnée pour ne pas avoir mis à disposition du public suffisamment de données pour justifier une période complémentaire de déterrage (lire ici). En cela, le juge a redonné du sens et de l’importance au principe de participation du public, trop souvent considéré comme une formalité par les préfets. Espérons donc que cette fois-ci le préfet prenne vraiment en compte l’avis des citoyens ! Si vous habitez la Gironde, c’est encore mieux : n’oubliez pas de le préciser.
Pour ce nouveau projet d’arrêté, la préfeture a donc retenu la leçon en mettant à disposition du public une note de présentation détaillée, mais accompagnée d'”éléments « scientifiques“… fournis par les chasseurs eux-mêmes !
Des arguments à reprendre et à personnaliser
Sur le fond, la vènerie sous terre à partir du 15 mai est toujours aussi critiquable. Outre les arguments généraux fournis par l’ASPAS (à lire ici), voici quelques éléments propres à la situation de la Gironde dont vous pouvez vous inspirer pour rédiger votre réponse argumentée :
– Les « éléments scientifiques » mis à disposition par la préfecture (à lire ici) sont fournis par la Fédération des Chasseurs de la Gironde elle-même, ce qui pose un sérieux problème d’objectivité. En plus d’être partiaux, ces éléments sont incomplets et imprécis, ce qui prive une fois de plus le public de données sérieuses et vérifiables.
– Le préfet lui-même admet le manque de données précises : pour estimer que le prélèvement de 100 à 200 blaireaux peut être considéré comme faible, il fait une « règle de 3 approximative sur la base de la population totale française ». De fait, on n’a pas d’estimation fiable de la population totale de blaireaux en Gironde.
– Sur le sevrage des blaireautins, la note de présentation indique que dans le Sud-Ouest de la France, le pic des naissances est situé vers fin janvier, et cite pour cela une étude de 1999 (Revilla et al 1999) qui s’applique à… l’Espagne méditerranéenne. Aucun élément scientifique fourni ne permet d’établir que les jeunes blaireaux présents en Gironde seraient indépendants à partir du 15 mai. Les études scientifiques tendent à démontrer au contraire que dans les régions tempérées les jeunes ne deviennent autonomes qu’à partir de l’automne.
– L’argument selon lequel le blaireau n’aurait pas de prédateur naturel, et que la « régulation » de l’espèce par les chasseurs est nécessaire, ne tient pas dans la mesure où l’état des populations n’est pas précisément connu, et que le blaireau ne peut de toute façon pas pulluler car l’espèce s’auto-régule, en adaptant les naissances au territoire dans lequel il évolue et à la quantité de nourriture disponible.
– Si on devait imaginer le scénario où il y aurait nécessité de contrôler les populations de blaireaux, étayé par de rigoureux arguments scientifiques, la vénerie sous terre ne serait clairement pas la technique à privilégier, comparée à l’efficacité des battues administratives. En effet, la préfecture avance que le déterrage en Gironde ne concernerait que de 5 à 10% de la population de blaireaux du département, ce qui révèle l’inefficacité de cette technique qui, en plus de mobiliser tout un équipage et des chiens pendant plusieurs heures, est une épreuve particulièrement traumatisante pour les animaux acculés sous terre.
– L’argument consistant à dire que “puisqu’il y a déjà beaucoup de mortalité juvénile ce n’est pas un problème d’en rajouter” pose un problème éthique et de logique de conservation : la survie juvénile est importante et dans le cadre de la convention de Berne qui oblige à préserver la survie de l’espèce, il est donc nécessaire de chercher à augmenter la survie juvénile, pas à la diminuer encore plus.
– Justifier le déterrage pour prévenir des risques sanitaires n’est corroboré par aucune étude scientifique. Au contraire, différentes études en Grande-Bretagne notamment tendent à montrer que la dispersion causée par le dérangement dans les terriers participe à la dissémination de la maladie (par exemple : Crispell et al., 2019). Par ailleurs dans l’étude de l’ANSES de 2019 relatif à la gestion de la tuberculose bovine et des blaireaux, il est indiqué en gras p 22 : « Les experts rappellent par ailleurs l’inutilité de l’abattage de blaireaux dans les zones indemnes pour un motif de « prévention ». Donc si l’abattage est inutile, la vénerie l’est également.
– D’un point de vue biologique et de conservation, si la pression létale d’origine anthropique est déjà élevée il faut éviter d’en rajouter. Il y a un problème éthique profond dans le fait de dire que l’on peut tuer des êtres sensibles juste parce que le nombre que l’on va tuer est faible par rapport à d’autres sources de mortalité de ces animaux…
Il résulte de tout ce qui précède que continuer à autoriser le déterrage en 2021, sans arguments qui tiennent, n’est d’aucune utilité écologique et ne sert qu’à préserver le loisir traditionnel de quelques chasseurs.
D’autres consultations publiques concernant la période complémentaire de déterrage des blaireaux sont en cours dans d’autres départements ! Pour y participer, c’est ici.
Merci pour votre mobilisation !