Ces derniers mois, plusieurs cas de braconnage de lynx sont survenus dans le Jura et les Vosges, mettant un peu plus en péril une population française déjà très fragile. L’ASPAS saisit la justice et réclame de nouvelles réintroductions.
Au tout début du confinement, à la mi-mars, un cadavre de lynx était retrouvé dans un ravin de la commune d’Ivrey, dans le Jura (lire ici). L’enquête des agents de l’OFB a conclu à un acte de destruction volontaire par arme à feu. Dans son communiqué du 26 mars, la préfecture évoque un « délit qui porte une atteinte grave à la biodiversité ». On ne saurait mieux dire (même si cette même préfecture est capable d’autoriser dans le même temps des destructions de corvidés… lire ici). L’ASPAS se réjouit également que les chasseurs jurassiens aient annoncé vouloir porter plainte « contre les auteurs de cet acte délictuel », même s’ils en profitent, au passage, pour dénoncer la « haine indicible » dont ils se considèrent victimes… (lire ici)
Le lynx, un « mauvais chasseur » ?
Le braconnage, pourtant, n’existerait pas sans les chasseurs. Ce n’est pas un scoop que le grand félin sauvage n’est pas le meilleur ami des « premiers écolos de France », qui l’accusent volontiers d’être un « mauvais chasseur » qui ne respecte pas leur « plan de chasse ». L’histoire tumultueuse de la coexistence entre lynx et chasseurs est largement documentée dans l’épais rapport d’expert du PRA Vosges, paru fin 2019.
On peut y lire que « l’impact supposé du lynx sur le chevreuil et le chamois est le problème principal à l’origine des conflits avec les chasseurs ». Or, « il apparaît que les chasseurs peuvent raisonner à des échelles spatiales et temporelles qui leur sont propres ». C’est-à-dire qu’ils ne raisonnent qu’à partir d’un territoire de chasse donné, qu’ils se sont donnés pour mission de « gérer » ; un lynx qui empiéterait sur « leur » lot de chasse est vécu par ces derniers comme un « perturbateur » qui met en péril leur « gestion » de la faune, voire un « dangereux rival ».
Pourtant, à l’échelle nationale, le rapport du PRA est formel : « la disponibilité des proies (dont la tendance est à l’augmentation) ne semble pas constituer une menace pour le Lynx ».
Cette rivalité n’est pas propre aux chasseurs français : en République Tchèque par exemple, une enquête de 2019 a montré que plus de 85% des chasseurs interrogés souhaitaient que le lynx soit une espèce légalement chassable, et 10% ont même avoué en avoir déjà braconné… En Scandinavie, le braconnage serait responsable de la mortalité de 46% des lynx adultes.
Le rapport du PRA Vosges insiste également sur le rôle de super-prédateur du lynx et son rôle non négligeable dans la préservation de la biodiversité et dans la structure trophique des écosystèmes. Et rappelle que le lynx est un prédateur naturel du Renard roux, autre bête noire des chasseurs qui en tuent plus de 600 000 chaque année en France…
L’ASPAS réclame de nouvelles réintroductions
Si le rapport du PRA Vosges a le mérite de décrire en toute objectivité la problématique des lynx en France et les menaces qui pèsent sur l’espèce, l’ASPAS estime qu’il ne va pas assez loin dans les solutions. L’ASPAS rejoint la position de l’Observatoire des Carnivores Sauvages qui préconise, d’une part, le remplacement au double de chaque lynx détruit illégalement, et d’autre part le renforcement rapide de la population résiduelle des Vosges par le lâcher de quelques individus femelles.
C’est en ce sens que nous avons appelé à participer, en février dernier, à la consultation publique, dont le résultat a été publié début juin : vous êtes ainsi 99% à avoir donné un avis positif à la présence des lynx dans le Massif, et 75% à avoir demandé expressément une réintroduction de nouveaux individus.
La réponse – très longue – donnée par le PRA à ce point ne fait hélas pas planer de doute : tant que les chasseurs et les éleveurs ne changeront pas d’attitude à l’égard du grand prédateur, il ne sera pas question de relâcher de lynx dans les Vosges. Le PRA mise en effet “dans un premier temps sur la stratégie suivante : améliorer l’acceptation sociale du Lynx en facilitant la coexistence avec les activités humaines et, parallèlement, miser sur une recolonisation naturelle de lynx depuis le Massif du Jura et la forêt du Palatinat” (lire la réponse intégrale page 7 de la synthèse des avis).
2 plaintes et une lettre au procureur
Au printemps, l’ASPAS a déposé plainte contre deux actes de braconnage : l’une en faveur du lynx d’Ivrey, dans le Jura, l’autre en faveur d’un lynx retrouvé mort en janvier dans la vallée de Thann, dans les Vosges.
Par ailleurs, avec 6 autres associations, l’ASPAS a écrit le 6 février au procureur de Lons-le-Saunier pour réclamer une enquête judiciaire dans l’affaire des ossements de lynx retrouvés par des spéléologues, en novembre 2019.
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