Le 13 juin 2024, la Préfète coordinatrice du PNA Loup et Activités d’élevage 2024 – 2029 a autorisé la mise en place d’une expérimentation de « tirs territorialisés » dans le département du Doubs (zone AOP Comté) qui durera jusqu’à fin 2025. Cette expérimentation, qui concerne 17 communes et plus d’une centaine d’exploitations sur des zones jugées « non-protégeables », autorise le recours aux tirs de défense simple contre les loups « en situation de prédation » aux éleveurs bovins participants.
Nos associations déplorent qu’une fois encore, une telle expérimentation justifie le recours systématique aux tirs létaux par la difficulté à protéger un troupeau ou une zone. Nous souhaitons rappeler que la notion de « non-protégeabilité » est considérée comme dangereuse pour la conservation des loups en France par le CNPN dans son avis du 19 octobre 2023.
L’arrêté ministériel du 21 février 2024 préconise que des analyses technico-économiques concernant la difficulté à mettre en place des mesures de protection doivent être soumises au préfet coordonnateur du PNA Loup et activités d’élevage en cas de zone de « non-protégeabilité » en amont d’une autorisation de tirs de défense simple. Nous avons vu en juin dernier que ce protocole n’avait pas été correctement respecté préalablement à la délivrance, en 2022, de deux autorisations de tirs par le Préfet du Doubs, ce qui a induit leur annulation par le Tribunal Administratif de Besançon. Ces études ont-elles bien été effectuées sur chacune des parcelles concernées par l’expérimentation ?
La Direction Départementale des Territoires (DDT) du Doubs affirme « tester l’efficacité d’une défense des troupeaux bovins par approche territoriale » et ainsi « contribuer à leur protection ». Nous rappelons que les moyens de protection non-létaux font souvent leur preuves lorsque plusieurs sont mis en place sur un même troupeau : présence humaine, clôtures, chiens de protection, parcs de nuit, changement de parcelles, colliers anti-loups, effarouchement, etc. Un tir létal ne devrait être autorisé uniquement si ces mesures de protection, en particulier les moyens d’effarouchement, ont été mises en place ou expérimentées au préalable !
Les services de l’État s’alignent encore une fois sur cette notion de « non-protégeabilité » souvent utilisée sans véritable diagnostic de vulnérabilité ou analyse technique sérieuse. La « non-protégeabilité » devient le prétexte idéal pour déclencher de telles expérimentations et leur salve d’autorisations de tirs de loups. Le 24 août, une louve a été abattue par des lieutenants de louveterie dans le Haut-Doubs sur la commune de Les Villedieu (l’une des 17 communes en cercle 1 concernées par l’expérimentation). L’arrêté autorisant ce tir de défense simple a été publié le 22 août, soit le lendemain d’une prédation. L’enchaînement de ces événements montre encore que le tir létal est systématiquement privilégié par les services de l’État, au détriment de solutions appropriées.
Cette gestion incohérente de la population lupine s’apparente à une véritable régulation et s’éloigne de l’objectif du PNA : atteindre un équilibre entre la présence de cette espèce strictement protégée et les métiers du pastoralisme.
Alors que cette expérimentation repose sur une prétendue impossibilité de protéger ces troupeaux bovins de manière non-létale pour le loup, il est demandé aux éleveurs participant de s’engager, au terme d’un an, à protéger lesdits troupeaux en développant des mesures non-létales pourtant jugées impossibles à mettre en place.
Ne serait-il pas plus judicieux d’accompagner les éleveurs dont les troupeaux bovins se situent dans des zones jugées difficilement protégeables à d’abord tester différentes mesures de protection non-létales sur une période donnée avant d’octroyer des dizaines d’arrêtés d’autorisation de tirs de loups ? Outre l’incidence de ces tirs sur la population lupine, cette expérimentation met en péril toutes les autres expérimentations de protections qui sont en cours sur ce massif. Nous avons donc suggéré à la DDT du Doubs de remplacer le tir létal par des tirs d’effarouchement afin que cette expérimentation soit plus sécuritaire et ne mette pas en danger l’état de conservation des loups. Cette demande a été refusée.
Nous avons également fait part de nos craintes concernant la sécurité des personnes (randonneurs, campeurs, photographes, etc.) pouvant se trouver sur ces zones potentielles de tirs, de nuit comme de jour, compte-tenu de la portée des armes utilisées. Dans le cadre des programmes de soutien aux éleveurs bovins en zone à loups des associations FERUS (PastoraLoup – Massif du Jura) et Vigie Jura, des éco-bénévoles sont déployés sur les pâturages lors de missions de surveillance nocturne. Les tirs de nuit avec matériel de vision nocturne étant autorisés dans le cadre de l’expérimentation, nous nous inquiétons pour la sécurité des bénévoles en bivouac à proximité des troupeaux. Nous considérons que la zone d’intervention de ces missions n’est pas sécurisée tant que nous n’avons pas plus de réponses à ces questions. Nous ne déploierons pas de bénévoles sur des exploitations participant à cette expérimentation tant que leur sécurité ne sera pas garantie par la DDT.
À l’heure où l’on constate une hausse du braconnage en France, les politiques de gestion des situations liées aux prédations de loups dans certaines régions sont extrêmement inquiétantes.
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En Saône-et-Loire, un véritable acharnement perdure sur un loup solitaire blessé par balle en décembre 2023. Durant deux semaines cet été, une brigade loup s’est établie sur la commune concernée par la présence de ce loup blessé. D’après nos sources, aucun moyen de protection n’a été mis en place autour des troupeaux de cette zone, à l’exception de filets installés à l’arrivée de la brigade.
Dans d’autres départements, de nombreux témoignages font état de plus en plus de dérives comme l’utilisation d’appâts ou des tirs ayant lieu sans qu’aucune prédation antérieure n’ait été enregistrée : des actes illégaux et condamnables !
Les solutions pérennes pour réduire le nombre de prédations sur les troupeaux et permettre une cohabitation plus apaisée entre les loups et les métiers du pastoralisme existent et nous n’avons de cesse de le rappeler. Nous nous opposons fermement aux politiques de régulation qui mettent en péril le rétablissement d’une population viable de l’espèce sur son aire naturelle de répartition et appelons à un dialogue constructif au sein des parties prenantes.
Article co-publié le 3 septembre 2024 par les associations ANIMAL CROSS, ASPAS, AVES, CAP LOUP, FERUS, FNE Doubs, Focale pour le Sauvage, IFAW, LPO BFC, Pôle Grands Prédateurs, SFEPM, Vigie Jura
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