L’État défend les renards ! Avant d’autoriser leur piégeage…

Dans une note destinée aux préfectures, le ministère de la Transition écologique laisse entendre – à qui veut bien écouter ! – que l’inscription des renards sur la prochaine liste des « ESOD » en juillet 2023 n’est pas forcément justifié… Et ça tombe bien, puisque c’est le Ministère qui prendra la décision finale ! Ou se fera-t-il une fois de plus piéger par les lobbies de la chasse et de l’agriculture ?   

Entre la chasse à tir, le déterrage, le piégeage, la chasse à courre, les battues administratives, on estime à 600 000 le nombre de renards qui sont tués chaque année en France. Retirer goupil des « Espèces Susceptibles d’Occasionner des Dégâts » ne mettrait donc pas fin au massacre de masse, mais permettrait d’en sauver peut-être 1/5e, si l’on se fie aux déclarations de piégeages (125 674 piégés en 2017-2018…).   

Surtout, le retirer de cette « liste de la mort » insensée permettrait d’interdire sa « destruction » (= le nom de la sentence infligée aux ESOD…) au printemps, période fragile de mise bas et d’élevage des jeunes. Combien de milliers de renardeaux orphelins périssent chaque année de dénutrition entre mars et juin, suite au piégeage de leurs parents ?  

On n’en est pas encore là, mais avant l’adoption en juillet 2023 du nouvel arrêté triennal du ministère de la Transition écologique déterminant quels “nuisibles” pourront être massacrés, une “note technique” datée du 9 juin 2022 a été mise à disposition de toutes les préfectures de France avec le protocole à suivre pour faire classer telle ou telle espèce sur cette bien infâme “liste de la mort”…   

Mais contrairement à ce qu’on aurait pu penser, son contenu n’encourage en aucune façon ce classement macabre ! C’est tellement surréaliste qu’on s’est permis un petit décryptage, à travers l’exemple du renard   

Les renards jouent un rôle important dans leur écosystème

Page 6 de ce document de 80 pages, il est précisé que le classement ESOD « ne vise pas l’éradication des renards, des belettes, des fouines, des martres, des putois, des corbeaux freux, des corneilles noires, des pies bavardes, des geais des chênes ou des étourneaux sansonnets, qui jouent un rôle important dans leur écosystème. »    

Reconnaître l’importance d’un animal avant d’autoriser sa “destruction” à l’aide de pièges en X, de pièges à lacet et autres systèmes de torture atroces, voilà qui est bien délirant, et en dit long sur l’influence des destructeurs sur les décisions finales de nos gouvernants…      

Évidemment que oui, les renards et autres mal-aimés ont leur place dans la nature et rien ne justifie qu’on leur inflige la peine de mort sous prétexte qu’ils dérangent certaines activités humaines : aux éleveurs de protéger leurs poules par une clôture comme on se protège du froid en fermant une fenêtre !    

Les renards remplacent le poison

Opportunistes et charognards, les renards mangent de tout, mais quand ils doivent chasser, ils ont une nette tendance à privilégier les proies faciles à attraper comme les micromammifères, notamment les campagnols (ou rat-taupiers) qui peuvent faire beaucoup de dégâts dans les prairies agricoles. On estime qu’un seul renard peut consommer jusqu’à 5000 campagnols par an !   

L’État défend les renards ! Avant d’autoriser leur piégeage...Ainsi, page 8 de la note ministérielle, on sera satisfaits de lire que « dans les départements affectés par des pullulations de rongeurs ou de petits herbivores, la destruction du renard et, dans une moindre mesure, de la belette et d’autres mustélidés peut être défavorable à certaines activités agricoles ou sylvicoles. »  

Le contraire de la logique ESOD, donc ! Combien d’articles de presse régionale lit-on chaque année, avec le témoignage d’agriculteurs désemparés ayant recours à des poisons comme le Ratron GW sans que jamais ne soit cité le rôle des prédateurs naturels ?    

Le classement du renard n’est pas « automatique » 

Le Ministère insiste par ailleurs à plusieurs reprises sur la nécessité de justifier telle ou telle demande de classement, notamment par l’appui d’études scientifiques et d’études de terrain (page 9). Il rappelle aussi que « les propositions de classement ne sont ni obligatoires, ni automatiques » et que les services du Ministère « restent souverains pour apprécier l’opportunité et la pertinence d’un classement » (page 11). Oui Monsieur le ministre, vous avez le pouvoir de retirer le renard des « ESOD » !  

Dans les faits, les demandes de classement ESOD sont élaborées à partir de simples « déclarations de dégâts » dont l’ASPAS ne cesse de dénoncer le manque de contrôle et de fiabilité : lors d’une attaque supposée de loup sur un troupeau, la loi impose que des experts de l’Office Français de la Biodiversité se déplacent pour déterminer la responsabilité ou non du grand prédateur, chose qui n’est JAMAIS faite lorsqu’un renard est incriminé pour avoir soi-disant tué une génisse ou 600 volailles en une nuit !    

Aucune maladie ne saurait faire inscrire le renard parmi les ESOD !   

L’échinococcose alvéolaire, la trichinellose, la néospérose, la gale… et même la tuberculose bovine :  les « maladies du renard » sont fréquemment brandies par les chasseurs (mais aussi certains préfets !) pour pointer du doigt le petit prédateur et justifier son abattage, or selon la note ministérielle (page 56) « en l’état actuel des connaissances, aucune problématique de santé publique ne semble pouvoir fonder le classement ESOD du renard » !   

Le Ministère va même plus loin, en apportant des précisions permettant de dédouaner le renard de chacune des maladies. Prenons l’échinococcose et la gale qui sont les plus souvent citées :   

« Concernant l’échinococcose alvéolaire, le parasite Echinococcus multilocularis responsable de la maladie chez l’Homme a été détecté chez des renards dans de nombreux départements de la moitié nord de la France. Pour autant, aucun élément scientifique n’indique à ce jour que l’élimination de renards permette une diminution du risque pour l’Homme. Au contraire, des travaux en France publiés (Comte et al. 2017) tendent à montrer que l’élimination intensive de renards est contre-productive, en augmentant la prévalence chez les renards et la contamination de l’environnement. (…)  

Concernant la gale, pour le renard il s’agit de la gale Sarcoptes scabei (il existe d’autres gales, par exemple chez les ovins à Psoroptes  ovis), rien ne prouve que le renard soit un hôte de transmission aux animaux d’élevage, ovins comme bovins. Chez le renard, la lutte ne passe pas par l’élimination des individus malades, mais au contraire par l’installation progressive d’une immunité naturelle dans la population de renards concernée. » 

On a l’impression de lire un plaidoyer de l’ASPAS en faveur de goupil n’est-ce pas ?  

Protéger son poulailler pour diminuer les prédations

À la toute fin de la “Fiche Renard” de l’annexe 4 de sa note technique (page 58), le Ministère donne des solutions pour « éviter ou diminuer l’impact des dégâts », en précisant toutefois entre parenthèses que ces recommandations ne sont données qu’à titre d’information…  

Autrement dit, un éleveur qui ne fait pas l’effort de protéger sa ferme s’expose aux prédations et pourra tout à fait demander à ce que le renard soit classé « ESOD » sur son territoire…

On peut saluer les efforts du Ministère pour encourager les solutions de protection plutôt que de destruction, mais on lui rappellera que c’est lui qui régit les questions relatives à la faune sauvage, et qu’il est tout à fait en son pouvoir d’abandonner purement et simplement ces différents classements ESOD qui n’ont ni queue ni tête !!  

Pour les renards et autres mal-aimés, faites des déclarations de non-dégât !

Vous avez des poules dans votre jardin ? Vous êtes éleveur professionnel ? Vous cohabitez sans problème avec la faune sauvage ? Témoignez en faveur des “ESOD” en remplissant une déclaration de NON-dégât !
Pour plus de détails sur cette action lancée par l’ASPAS, cliquez ici.

Soutenez l'action de l'ASPAS pour les "ESOD" !

Faire un don pour les « nuisibles » nous permettra de :

  • renforcer notre action juridique (frais d’avocats, traductions assermentées d’études scientifiques)  
  • sensibiliser un maximum de personnes à la cause des « nuisibles » (interviews, actions médiatiques, pédagogiques, sondages, etc.)
  • mobiliser des moyens au niveau local (soutien aux maires sympathisants, accompagnement des acteurs territoriaux, médiation avec les opposants)

Inscription à la newsletter

X