Exclusif : extrait du livre-enquête “Le loup de Valberg” de Pauline Briand

“Valberg”, c’est l’histoire vraie d’un louveteau affamé dont la meute a été décimée, en 2019, dans le Parc national du Mercantour. Nourri par les habitants de la station, capturé par les autorités, soigné puis relâché en catimini plusieurs mois tard dans une forêt domaniale de la Drôme avec un collier GPS, le louveteau a survécu quelques semaines dans la nature avant de disparaître mystérieusement… Braconné ? Tué par l’un de ses congénères ? Renversé par une voiture ? Tombé d’une falaise ? De nombreuses spéculations circulent…

L’histoire émouvante et singulière du louveteau de Valberg, la journaliste et écrivaine Pauline Briand en a consacré un livre très bien documenté de 352 pages, à paraître le 8 novembre 2024 aux éditions Goutte d’Or. Compte tenu des nombreuses zones d’ombres qui entourent la vie du petit canidé, la journaliste qui se trouve être aussi naturaliste entrecoupe son rigoureux travail d’investigation par des passages fictifs particulièrement convaincants et bien ficelés. Une recherche de réalisme qui contribue à renforcer l’authenticité de l’histoire et à créer de l’attachement non pas au loup en tant qu’espèce, mais à “Valberg” en tant qu’individu : ce louveteau né dans une nature a priori libre et sauvage, mais où ses conditions d’existence et son destin de loup sont livrés à la merci des décisions humaines irrationnelles et arbitraires.

Exclusif : extrait du livre-enquête "Le loup de Valberg" de Pauline Briand
En librairie le 8 novembre 2024

Chapitre 29 : le départ

L’ASPAS, qui s’était émue de l’histoire du louveteau à l’époque, est heureuse de vous partager en exclusivité l’un des chapitres du livre de Pauline Briand, intitulé “Le départ”. Il s’agit précisément de l’un de ces moments de fiction rédigés par l’auteure, où elle imagine comment le louveteau a pu devenir le seul descendant survivant de la meute historique dite “du Mounier”. En cause : une battue de chasse, dont le caractère dérangeant et destructeur est bien connu pour impacter l’ensemble de la faune sauvage…

La louve n’est jamais revenue. Au fil de l’été, les adultes ont disparu. Les trois louveteaux dorment pelotonnés les uns contre les autres, les nuits se sont rafraîchies. Les démangeaisons et la faim sont omniprésentes. La part du jeu a diminué. Ils sont maintenant hauts sur pattes. Leur corps, qui devrait être fluet, est maigre. Ils s’essaient parfois aux hurlements, mais aucune réponse ne vient.

Chaque jour, leurs explorations les mènent un peu plus loin. Ils se nourrissent des insectes encore abondants, les sauterelles, les scarabées, une éventuelle chenille, ils grappillent aussi des baies, des cynorrhodons. Parfois, ils attrapent un écureuil, un campagnol ou un mulot. Ils mâchent des graminées. Ils ont aussi trouvé un chevreuil mort qu’ils ont disputé au renard, au sanglier.

À cette période, ils auraient dû commencer à accompagner la meute à la chasse, mais il n’y a pas d’adulte pour les mener. Les retours au point de rendez-vous s’espacent. En explorant de nouveaux territoires, ils découvrent de nouveaux points d’eau.

Les premiers mois, la peur de l’homme est encore ténue. Elle s’acquiert par expérience, en imitant les adultes. Une fois, un groupe de randonneurs est passé à quelques mètres. Les louveteaux sont restés tapis dans les fourrés. Un peu plus tard, ils ont trouvé les restes de leur déjeuner. Ils ont mangé les épluchures de pommes, les peaux de saucissons et les quelques croûtes de fromage. Ces odeurs les ont menés vers d’autres. Ils ont commencé à visiter certaines aires de pique-nique.

La nuit, ils font attention aux grands oiseaux de proie qui pourraient les emporter comme leur frère. Une ombre glisse et les serres vous enlèvent.

Un matin, la montagne résonne de sons inconnus. Il y a quelque chose dans l’air, une immobilité percée par le son des clochettes, les aboiements, les appels, les vrombissements. L’odeur des hommes est présente, mais différente de celle des randonneurs. La faune se fait discrète, si ce n’est les cris d’alerte des pies, des corneilles et des geais. Ils quittent l’abri d’un buisson pour partir au trot dans la direction opposée.

Les louveteaux empruntent les sentiers et les pistes animales pour se déplacer plus rapidement. Les sons viennent de directions multiples. La pluie commence à tomber. Ils retrouvent le lit d’une rivière et y progressent un temps. Cheminant l’un derrière l’autre. C’est la femelle qui ouvre la voie.

Soudain, les aboiements sont proches. Ils y entendent l’excitation de la poursuite. Leur premier réflexe est de se tapir. Ils attendent immobiles dans un renfoncement du sol. Les chiens apparaissent à quelques dizaines de mètres, accompagnés des encouragements de leurs maîtres. Les louveteaux prennent la fuite. Les chiens s’élancent.

Ils galopent en file indienne, mais ils se font rattraper. Les crocs sont sortis, le poil se hérisse, les loups et les chiens grondent. Des jappements annoncent d’autres chiens.

Un chien bondit. Il tente de mordre la petite louve qui l’esquive en glapissant. Les chiens forment un demi-cercle excité et bruyant. Ils s’approchent, les louveteaux leur font face. C’est la mêlée.

Le louveteau s’engouffre entre deux buissons. La queue entre les jambes et la tête baissée. Il fuit le vacarme. Les aboiements se déchaînent puis se calment. Sa sœur et son frère ne sont pas là. À la nuit, il les appellera. Après cela, il évitera le secteur des chiens, poussant toujours plus loin. Désormais seul, il se rapproche des sources de nourriture fiables et disponibles. Mais les randonneurs se font rares, la saison avance et les insectes disparaissent.

Un jour, il remonte un vallon. La rumeur humaine se rapproche avec ses promesses de nourriture.

Valberg rentre en ville.

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Début décembre, le comité de Berne se prononcera sur la décision scandaleuse de l’UE de rabaisser le niveau de protection des loups en Europe. Aidez-nous à inverser cette décision populiste qui n’est motivée par aucune donnée scientifique ni motif écologique ! Signez la pétition lancée par le Bureau européen de l’environnement, et relayez nos différentes actualités sur le loup dans votre entourage.

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