Le Conseil d’État, dans son arrêt n°422631 du 5 février 2020, enjoint les ministères chargés de l’écologie et de l’agriculture de modifier, dans un délai de 6 mois, les arrêtés du 17 janvier 2018 fixant les listes de mammifères terrestres protégés dans le département de la Guadeloupe, de la Martinique et dans la collectivité d’outre-mer de Saint Martin, afin de renforcer la protection de deux espèces de chauves-souris, le tadaride du Brésil et le molosse commun, en interdisant les perturbations intentionnelles dont elles peuvent être victimes.
La Haute Assemblée a en effet considéré que :
- D’une part, le tadaride du Brésil figurant à l’annexe II du protocole adopté à Kingston, il doit, en vertu des stipulations de l’article 11 b) de ce protocole, bénéficier, dans la mesure du possible, d’une protection contre les perturbations intentionnelles, en particulier pendant les périodes de reproduction, d’incubation, d’hibernation, de migration ou pendant toute autre période biologique critique. Il s’ensuit que les associations requérantes sont fondées à soutenir que les arrêtés contestés méconnaissent ces stipulations en ce qu’ils ont inscrit cette espèce non à leur article 2 mais à leur article 3, qui ne comporte aucune interdiction ni mesure permettant de protéger l’espèce contre les perturbations intentionnelles.
- D’autre part, s’agissant du molosse commun, le ministre chargé de la protection de la nature justifie l’absence d’interdiction de toute perturbation intentionnelle, ou de mesures de protection à cet égard, par le caractère anthropophile de cette espèce, afin de ne pas rendre impossible toute action visant à empêcher ces chauves-souris de s’installer dans les habitations. Cependant, il ressort des pièces du dossier que si l’espèce vit souvent en milieu anthropisé, notamment dans des habitations, elle s’établit aussi en zone naturelle. Par suite, les associations requérantes sont fondées à soutenir que les arrêtés contestés, qui ne prévoient, à l’égard de cette espèce protégée, aucune mesure permettant de la protéger contre les perturbations intentionnelles, quelles qu’elles soient et en particulier dans le milieu naturel, sont dans cette mesure entachés d’illégalité.
- Il résulte de ce qui précède que les associations requérantes sont fondées à demander l’annulation pour excès de pouvoir du refus qui a été opposé à leur demande tendant à la modification des arrêtés contestés, en tant qu’ils organisent la protection du molosse commun et, pour ceux relatifs au département de la Guadeloupe et à la collectivité d’outre-mer de Saint-Martin uniquement, celle du tadaride du Brésil. L’annulation, dans cette mesure, de cette décision implique nécessairement la modification des arrêtés contestés afin qu’ils permettent une protection de ces espèces conforme aux stipulations de l’article 11 b) du protocole adopté à Kingston le 18 janvier 1990 et aux dispositions du code de l’environnement. Par suite, il y a lieu pour le Conseil d’Etat d’ordonner cette édiction dans un délai de six mois.
Télécharger l’arrêt : CONSEIL D’ETAT – CHAUVES-SOURIS – ANTILLES