C’est un sujet qui fâche depuis plusieurs décennies. En Sologne, de grands propriétaires terriens (beaucoup de patrons du CAC 40), adeptes de la chasse au grand gibier, clôturent leurs propriétés par des grillages infranchissables pour la faune… mais aussi les humains, dont la libre circulation sur des chemins communaux est de plus en plus entravée. Les quelque 5 000km2 du plus prestigieux des territoires de chasse français, dessinent aujourd’hui une mosaïque géante d’enclos de chasse privés, où des milliers d’animaux sauvages se retrouvent pris au piège, derrière plus de 3500 km de grillages.
C’est toute la faune qui est impactée
Face à cette situation alarmante, l’Etat s’est décidé à réagir. Cet automne, la presse s’est faite l’écho de la parution d’un rapport d’expert, commandé par les ministères de l’Ecologie et de l’Agriculture.
Dans ce texte de 68 pages, que l’ASPAS s’est procuré, il y est décrit en Sologne une situation particulièrement préoccupante. Le rapport confirme en effet que parmi les animaux tirés, certains sont importés dans les espaces clos, issus d’élevages français ou européens. Les conditions d’importation, théoriquement soumises à des contrôles stricts, restent souvent très opaques, ce qui est particulièrement grave sachant que certains pays (Hongrie, Pologne…) sont concernés par la propagation de la PPA (peste porcine africaine).
Outre la problématique sanitaire, la chasse en enclos pose aussi évidemment de sérieuses questions éthiques et écologiques : la captivité des animaux, en particulier les cerfs, génère un piétinement des sols et accentue la densité des populations sur des espaces restreints. L’alimentation et la reproduction naturelle des animaux sont affectées, la survie des chevrillards et des faons fragilisée, et du fait d’un dérèglement des écosystèmes, la petite faune est aussi impactée.
Le rapport note en outre l’impact négatif de l’engrillagement sur 77 espèces d’oiseaux nicheuses au sol ou près de l’eau, en raison notamment de la prédation d’un trop grand nombre de sangliers.
Une chasse peut en cacher une autre…
La suppression des clôtures, ou leur remplacement par des grillages plus perméables pour la faune, est bien sûr souhaitable pour que la nature puisse reprendre le dessus et que les déséquilibres naturels soient corrigés. Mais il ne faut pas se leurrer : si l’Etat s’implique dans ce dossier local, en appui au préfet de la Région Centre-Val de Loire, c’est qu’il y a des intérêts cynégétiques en jeu…
Alors que le rapport dénonce l’engrillagement, il préconise en même temps « l’extension du droit commun de la chasse à l’ensemble des territoires sur lesquels la chasse est pratiquée ».
C’est donc clairement sous la pression des chasseurs que l’Etat intervient dans ce dossier épineux. Dans le documentaire diffusé par France 3 le 11 avril 2018 (« La Sologne engrillagée »), on y voit les coulisses d’une réunion au sommet entre différents acteurs politiques, à laquelle participent notamment Thierry Coste, le lobbyiste « tombeur » de Nicolas Hulot, et Hubert-Louis Vuitton, le vice-président de la Fédération des Chasseurs.
Pour résumer : si les grillages tombent un jour, il faudra s’attendre ensuite à une prise de pouvoir des « 1ers écologistes de France » ordinaires qui vont vouloir « gérer » les parties communales à leur façon…
Oui à l’interdiction de la chasse dans les enclos !
Parmi les 7 recommandations formulées par les experts dans le rapport interministériel, ces deux nous semblent cependant particulièrement encourageantes :
- “l’encadrement, voire la suppression de l’agrainage, de l’affouragement, de l’introduction d’animaux dans le milieu naturel” ;
- “‘interdiction de la chasse dans les enclos hermétiques à toute la faune sauvage”.
Ces préconisations correspondent précisément aux demandes de l’ASPAS. Dans le cadre de notre campagne « Stop à la chasse en enclos », lancée en septembre 2019, nous avons en effet écrit au président Macron et au ministère de l’Ecologie pour exiger la fin de la chasse sur des animaux en captivité, partout en France. Notre pétition a recueilli à ce jour 30 400 signatures.
Concernant “l’introduction d’animaux dans le milieu naturel”, l’ASPAS est bien évidemment contre lorsque ce “milieu naturel” prend la forme d’un parc ou enclos de chasse… En revanche, un ré-ensauvagement doit pouvoir être envisagé, dans le respect du bien-être animal, lorsque cela est écologiquement nécessaire, afin de corriger naturellement un déséquilibre créé artificiellement.
Nous espérons que l’Etat aille jusqu’au bout de sa démarche, et applique réellement ces deux mesures, afin que le cas précis de la Sologne puisse ensuite s’appliquer sur tous les parcs et enclos de chasse en France.