Chasse et insécurité : l’État muet laisse les chasseurs dicter leurs propres règles

Communiqué de presse du 10 octobre 2024

Un an après le lancement de leur recours en justice “contre la chasse qui tue (aussi) des humains, l’Association pour la protection des animaux sauvages (ASPAS) et Un jour un chasseur dénoncent le silence assourdissant du Gouvernement face aux graves enjeux de sécurité publique liés à la chasse. Tandis que l’État reste muet, la Fédération nationale des chasseurs (FNC) prend position et confirme que la sécurité publique fait partie de ses prérogatives, tout en qualifiant les accidents de chasse de « litanie de faits divers non prouvés ». Cette situation met en lumière les carences de l’État et la nécessité d’une action urgente pour protéger la population. 

Il y a tout juste un an, l’association pour la protection des animaux sauvages (ASPAS) et le collectif Un jour un chasseur ont adressé une demande à l’ensemble des ministres concernés pour que le Gouvernement assume ses responsabilités  en matière de protection de la population dans le contexte des actions de chasse. Deux carences de l’Etat ont été mises en lumière  : l’absence de règles de sécurité efficaces applicables sur l’ensemble du territoire et la validation de schémas départementaux de gestion cynégétiques élaborés par les Fédérations de chasseurs malgré leur disparité et leurs insuffisances graves en matière de sécurité. 

Or il est démontré qu’au cours des 15 dernières années, 70% des non-chasseurs tués l’ont été durant le week-end et près de 40% l’ont été sur une route ou dans leur jardin. Une limitation temporelle et spatiale de la pratique de la chasse aurait ainsi permis d’éviter la mort de 13 personnes sur les 19 tuées. Elle réduirait aussi significativement le nombre de blessés et les nuisances occasionnées pour les riverains et les promeneurs.  

Le Gouvernement n’ayant apporté aucune réponse à cette demande, les associations ont saisi le Tribunal administratif de Paris le 1er février 2024 afin de faire constater les carences de son action et l’enjoindre à prendre des mesures propres à assurer efficacement la sécurité du public.  

A ce jour, l’Etat n’a toujours pas répondu au mémoire de l’ASPAS. Cependant, la Fédération nationale des chasseurs (FNC) s’est constituée intervenante volontaire dans la procédure et affirme, par son mémoire, assumer les prérogatives de puissance publique en matière de sécurité de la population dans le contexte de la pratique de la chasse. Cela était prévisible étant donné que par cette action, l’ASPAS fait valoir que l’Etat est en faute dès lors qu’il n’assume pas ses prérogatives de sécurité publique, en laissant les Fédérations de chasseurs édicter leurs propres règles de sécurité.  

Par son mémoire, la FNC expose notamment les arguments suivants : 

Elle confirme qu’en dehors des quelques règles nationales édictées en matière de sécurité du public, ce sont les Fédérations départementales des chasseurs qui exercent cette prérogative : « L’appréciation concrète de la sécurité à la chasse s’observe à travers la mise en œuvre des mesures de sécurité prises, notamment au profit des non-chasseurs, par les fédérations départementales de chasseurs au sein de leur schéma départemental de gestion cynégétique » (p.11 du mémoire de la FNC).   

La FNC assume par ailleurs que les règles de sécurité ne sont pas les mêmes d’un département à l’autre: « Certains schémas vont même jusqu’à exclure certains lieux de chasse, tels que les abords des grandes voies et les zones à forte présence du public. De la même manière, plusieurs schémas interdisent ou restreignent la chasse à la rattente » (p.12 du mémoire de la FNC). « Pour prévenir encore davantage les incidents de chasse, certaines Fédérations passent des conventions avec le tribunal judiciaire et l’Office français de la biodiversité (OFB) pour proposer une mesure alternative aux poursuites » (p.16 du mémoire de la FNC). Ces réponses sont problématiques puisqu’elles confirment que certains départements ne mettent pas en place ces mêmes règles de sécurité, et c’est bien ce que dénoncent les associations dans ce recours. 

La FNC affirme que l’obligation à la charge de l’Etat en matière de sécurité à la chasse serait une obligation de moyens et non de résultat et qu’à ce titre, « aucun manquement grave ou récurrent dans la pratique et l’encadrement de la chasse n’est à constater. Certes l’association requérante développe longuement dans sa requête plusieurs cas d’accidents de chasse. Son constat n’est cependant en aucun cas objectivé : il s’agit d’une litanie de faits divers recueillis dans la presse régionale ou de divers témoignages, du reste non-prouvés, adressés directement à l’association ».  

La FNC affirme enfin que la limitation de la chasse le week-end ou l’encadrement du tir à proximité des habitations et des routes ne serait en aucun cas de nature à prévenir les accidents de chasse (p.36 du mémoire de la FNC). 

Le silence de l’Etat et la position de la FNC ne font que confirmer la situation ubuesque et unique dénoncée par l’ASPAS :  

  • L’Etat confie aux chasseurs le soin de limiter eux-mêmes leur pratique, alors même que cela relève du domaine de la sécurité publique, dont il détient nécessairement le monopole ; 
  • La FNC assume pleinement que les règles de sécurité varient d’un département à l’autre, et qualifie de « litanie de faits divers recueillis dans la presse régionale et non prouvés » les décès, les blessés, et l’ensemble des nuisances subies par la population.  

L’ASPAS ira au bout de cette action afin de faire constater par le juge les carences graves de l’action de l’Etat, dont seule la chasse semble bénéficier, en rappelant notamment le texte de Loi codifié à l’article L111-1 du Code de la sécurité intérieure : « La sécurité est un droit fondamental et l’une des conditions de l’exercice des libertés individuelles et collectives.  L’Etat a le devoir d’assurer la sécurité en veillant, sur l’ensemble du territoire de la République, à la défense des institutions et des intérêts nationaux, au respect des lois, au maintien de la paix et de l’ordre publics, à la protection des personnes et des biens ». 

Pour Yolaine de la Bigne, porte-parole de l’ASPAS : 

“Déjà une douzaine d’accidents depuis l’ouverture de la chasse, dont un cycliste blessé au visage : combien faut-il en attendre d’autres avant que le gouvernement prenne ses responsabilités et agisse pour la sécurité des citoyens ?”  

Pour Un jour un chasseur : 

“Force est de constater que depuis la mort de notre ami Morgan Keane en 2020, la chasse continue de mettre les ruraux en danger, de blesser et de tuer. Le sentiment d’insécurité dans les campagnes est toujours aussi présent, l’État toujours aussi méprisant des souffrances des ruraux et le cadre juridique encadrant ce “loisir” n’est toujours pas à la hauteur des enjeux de sécurité et de partage de la nature. Cette inaction est inacceptable : il est temps de prendre en compte l’urgence !”

Contact presse : 

ASPAS : presse@aspas-nature.org – 07 67 36 22 90

Un jour un chasseur : unjourunchasseur@gmail.com – 06 01 17 05 77

Avocat : roelens@joshua-avocats.com – 06 47 30 39 03

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